Nous connaissons tous ou presque ce tableau de Théodore Géricault mais personnellement j'avais du mal à situer le lieu de ce drame historique et son contexte; c'est pourquoi je me suis attelé à la lecture de ce poche écrit par 2 des rescapés de ce funeste radeau.
Ce livre est un journal de bord écrit après le drame causé aux naufragés de la Méduse. C'est le
2 juillet 1816 que la
Méduse, frégate française, échoua sur les bancs d'Arguin au large de la Mauritannie et entraina d'un côté des hommes à tenter de se sauver en fabriquant un radeau et de l'autre, des malheureux à parcourir le désert Saharien jusqu'à St-Louis, colonie anglaise qui devait être restituée aux Français.
C'est en pleine restauration donc que la Méduse partit avec à son bord le futur gouverneur Français de st-Louis ainsi que toute sa famille.
Duroy de Chaumarey fut nommé commandant de cette expédition et de la Méduse, relativement à ses appuis nombreux bien plus qu'à son expérience puisqu'en effet, Chaumarey à l'époque n'a pas navigué depuis 20 ans et dédaigne avec le plus grand mépris les conseils des marins les plus expérimentés. Outre la
Méduse, la flotille est composée de la corvette L'
Echo, de la flûte
La Loire et du brick
l'Argus; l'expédition appareille de France le 17 Juin avec 365 individus dont 240 confiés à la Méduse.
Voilà le décor posé, la dramatique suite survient donc le 2 juillet 1816; l'Echo commandé par un homme de compétence décide de contourner très au large le
banc d'Arguin alors que Chaumarey, incapable obstiné s'enfonce dans de funestes certitudes en voulant gagner du temps et en s'approchant au plus près des côtes. Le sort en est jeté, le manque de fond est manifeste et la Méduse échoue à 15h00 sous un soleil écrasant.
Le récit de Savigny et Corréard nous entraine alors dans cette aventure terrible qui pousse 152 personnes à tenter de fuir sur un radeau et le reste sur des canots aux destins diverses. Sur le radeau, la mort va prendre chaque jour des hommes et le cannibalisme sera l'ultime secours à des malheureux abandonnés par les canots chargés des lâches Chaumarys ou Raynaud-Schmaltz. Les survivants de ce radeau, au nombre de 15, auront du leur salut à la chair des leurs qu'ils auront mangés autant qu'à l'urine ingurgitée pendant ces 15 jours d'horreur.
La seconde partie du récit évoque le sort de ceux qui ont abordé la côte à hauteur de Timris et descendus le sahara jusqu'à St-Louis du Sénégal sans eau et se nourissant de quelques crabes crus. Le sort de ces naufragés du désert est moins connu pourtant l'horreur de leur destinée est atroce d'autant que ceux revenus de l'enfer saharien n'ont reçu pour récompense que le dédain et l'ignorance même de
LouisXVIII et de l'armée française.
Bon j'arrête là et je vous laisse le soin de découvrir ce récit qui se lit très facilement; car au delà du drame, c'est un véritable conte de pirates qui se raconte sous nos yeux, c'est la beauté des horreurs de la mer, l'incarnation visuelle du verbe de Stevenson et surtout, surtout une fabuleuse dénonciation de l'esclavagisme, de l'aliénation de l'homme par l'homme.