Ce petit bouquin Librio à 2 € mérite qu'on se penche un peu dessus, non pas pour s'entendre confirmer ce que chacun sait, à savoir la boucherie infernale que fut cette sale guerre, l'envoi au casse-pipe de millions de jeunes gens, l'horreur des tranchées avec leur lot de désespoir, de rats, de maladies, de cadavres putréfiés et de nourriture immangeable...
Ce qui m'a plutôt frappé ici, c'est la grande uniformité de ces témoignages, tous récupérés ces dernières années suite à un appel lancé par Radio France : on s'aperçoit, jusqu'à l'overdose, à quel point la population, il y a moins d'un siècle, était encore totalement conditionnée et n'hésitait jamais à se sacrifier pour une cause qu'on leur présentait comme supérieure. Pas de haine du boche dans ces témoignages, sans doute en raison d'une totale incompréhension des tenants et aboutissants de cette guerre absurde ; simplement un sens du devoir extrême, une reconnaissance envers Dieu et la nation qui, tous deux, passent très loin devant la famille et le bien-être personnel...
Bien sûr, on admire sans bornes la bravoure et la modestie dans l'exploit de ces soldats sacrifiés, capables de tenir des mois entiers dans un environnement entièrement désolé et hostile (les témoignages sur les paysages défigurés sont éloquents : tout est retourné, la végétation a été en certains endroits totalement anéantie, seuls poussaient les cadavres, à perte de vue...). Mais on admire encore plus les qualités humaines de ces poilus, mitraillés par l'ennemi en permanence mais ayant la lucidité de dire également le malheur de leurs adversaires, pas mieux lotis qu'eux...
Un témoignage m'a beaucoup frappé : au début de la guerre de tranchée, le jour de Noël 1914, les Allemands de la tranchée d'en face ont brandi le drapeau blanc et se sont avancés sans armes vers les Français : ils souhaitaient non seulement observer la trève de Noël mais également fraterniser avec l'adversaire ; c'est ce qui arriva, les deux sections ennemies se retrouvèrent dans le no man's land, se serrèrent la main, s'échangèrent du tabac et discutèrent de leur incompréhension quant à ce conflit qui les dépassait. Puis chacun retourna dans sa tranchée et le lendemain, sous les ordres d'en haut, la trève était terminée et le carnage avait repris...