Il est possible que les plus connues des photographies de Sudek soient celles de ses fenêtres embuées, qui ne montrent rien que les jeux de la condensation. Objets simples, choses pauvres. Non pas fenêtres ouvertes sur le petit jardin qui bordent son atelier, mais fenêtres ouvrant à la magie des mondes humides, traduits par la photographie.
La simplicité de l'objet est partagé avec Atget, dont Sudek connaissait le travail.
Sudek est relieur de formation. Mais la guerre lui arrache un bras, et le retient trois années à l'hôpital, pendant lesquelles il apprend la photographie. Prague, portraits.
Puis devient plus tard élève de Karel Novàk. Entre-deux guerres. Parcs de Prague, portrait d'écrivains, publicité, documentaires. Sudek est reconnu.
Les années trente sont marquées par la grande vivacité et l'inventivité artistique des métropoles. Sudek n'échappe pas à cette effervescence, travaille pour une revue, Tendances Libres, dont il est rédacteur. Sa culture est immense.
Il participe aux expositions internationales de photographie, au milieu d'autres grands photographes tchèques comme Lehovec ou Funke....
Puis c'est à nouveau la guerre, et Sudek s'enferme derrière les fenêtres de son atelier. Il en explore toutes les possibilités poétiques, jouant sur les brumes, cherchant l'équilibre entre présence de l'objet et ses possibilités de disparition au profit d'une beauté évanescente, frôlant l'abstraction sans y tomber, faisant émerger le sourire d'un secret.
Verlaine semble murmurer ses berceuses :
"De la musique avant toute chose
Et pour cela préfère l'impair
Plus vague et plus soluble dans l'air
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose."
Cet amour simple porté à l'objet simple est sans aucun doute celui hérité de sa formation d'artisan relieur pour son travail : la patience et la maîtrise technique ont été ses valeurs - celles peut-être de son père, aussi, peintre en bâtiment. Mais la recherche de la perfection est mise absolument au service de la représentation...